Séminaire – Martin Hartmann

Séminaire de Dr. Martin Hartmann, Swiss Federal Research Institute for Forest, Snow and Landscape Research WSL, Birmensdorf (Switzerland), intitulé :

” Consequences d’une sécheresse à long terme sur la structure et le functionnement du microbiote des sols forestiers “

le jeudi 16 novembre 2017 à 13h30  en salle de conférences au Centre INRA Grand Est – Nancy à Champenoux

Résumé

L’impact du changement climatique sur les forêts altère potentiellement les flux de nutriments et d’énergie à travers les écosystèmes terrestres. Dans les environnements semi-arides, la disponibilité de l’eau est une contrainte majeure sur le cycle biogéochimique en raison de la combinaison des fortes températures estivales et des faibles précipitations. En mettant en place une expérience de terrain de changement climatique inverse dans les Alpes d’Europe centrale, nous avons étudié comment l’irrigation à long terme d’une forêt de pins, affectée par la sécheresse, peut modifié le microbiome du sol et le fonctionnement de l’écosystème associé. Dix ans d’irrigation ont stimulé la production primaire, caractérisée par une hauteur de couvert végétal plus élevée, une augmentation annuelle de biomasses des arbres plus importante, un accroissement de la chute des litières et une plus forte biomasse racinaire. Dans les peuplements forestiers irrigués, l’augmentation d’intrants carbonés provenant des litières des arbres et des rhizodépositions stimule l’activité microbienne du sol et provoque des changements structurels prononcés dans le microbiote, caractérisé par un passage de mode de vie majoritairement oligotrophique vers un mode copiotrophique. Ces changements de structure sont accompagnés de profondes modifications des capacités fonctionnelles du métagénome microbien sous-jacent, montrant des « shifts » dans le métabolisme du carbone et de l’azote ainsi que dans des processus régulateurs protégeant contre les carences. Les groupes microbiens bénéficiant d’une disponibilité accrue des ressources ont prospéré sous irrigation, ayant pour effet une optimisation de la minéralisation de la matière organique du sol et de la respiration des sources de carbone dans les sols irrigués. Cependant, la perte de carbone du sol sous irrigation, due à l’augmentation de l’activité microbienne, était contrastée au regard de d’une production primaire plus élevée et d’une séquestration du carbone accrue dans la mesure où ceci est entièrement compensé par la décomposition accrue de la matière organique du sol. Sur la base de ces observations, nous avons émis l’hypothèse que la décomposition de la litière végétale – un processus important pour le renouvellement du carbone dans les écosystèmes forestiers – serait différente entre les sols forestiers touchés par la sécheresse et irrigués. Cependant, la décomposition de la nécromasse racinaire et la dégradation spécifique de la cellulose et de la lignine n’étaient pas différentes entre les sites, bien que les communautés colonisant la litière soient différentes et que différents taxons microbiens soient impliqués dans la dégradation de la lignine et de la cellulose, comme cela a pu être déterminé par les approches de marquage isotopique (stable isotope probing – SIP). Cette étude à long terme fournit de nouvelles informations sur l’impact des changements de précipitations sur le microbiome tellurique et le fonctionnement de l’écosystème dans des forêts de pins soumises à la sécheresse, et améliore aussi notre compréhension de la persistance des stocks de carbone à long terme, dans un contexte de changement climatique.