Physiologie de la mort du hêtre

Doctorant : Pierre-Antoine Chuste
Université : Université de Lorraine
Durée du contrat : 2014-2017

Titre de la thèse  Étude de la sensibilité des populations lorraines de hêtre à une sécheresse ou une défoliation – Quels rôles des métabolismes carboné et azoté dans la mort des arbres ?

Équipe d’accueil et encadrant(s)  
Equipe Arbeco, UMR INRA- UL (1137) Ecologie et Ecophysiologie forestières (EEF)
Encadrant de thèse: Pascale Maillard / Co-encadrant de thèse: Catherine Massonnet

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Contexte et état de l’art — Les évolutions du climat exposent les forêts à des évènements extrêmes en particulier des sécheresses représentant un risque majeur pour leur survie (Allen et al, 2010, Breda et al, 2006). Les mécanismes physiologiques entrainant la mort des arbres sous l’effet d’une sécheresse sont cependant assez mal connus. La question est d’actualité et fait débat dans la communauté scientifique qui oppose deux théories : les arbres meurent-ils de dysfonctionnement hydraulique ou d’un manque de carbone et/ou d’azote? (McDowell et al, 2008, 2011, Sala et al, 2010). Une meilleure connaissance des mécanismes physiologiques impliqués dans la mort des arbres permettrait certainement d’améliorer dans les modèles de scénario climatique actuels les prédictions de répartition des espèces sous climat futur (Piedallu et al., 2009).

Objectifs et questions de recherche  — Notre projet a pour objectif de contribuer au débat qui vise à comprendre quels sont les processus physiologiques impliqués dans la cascade d’évènements menant à la mort des arbres. Précisément, notre objectif sera d’analyser  les changements morphologiques et physiologiques induits par un manque drastique en carbone (C) et en azote (N) et d’évaluer les conséquences en terme de survie des arbres. Ces manques en C et N seront créés artificiellement en réalisant des défoliations expérimentales successives ou en générant un manque d’eau (limitant la photosynthèse) par un système d’exclusion de pluie. Il s’agira d’identifier comment les schémas d’allocation du C et de l’N sont modifiés par des contraintes hydriques et nutritionnelles fortes visant à créer de la mortalité chez des hêtres plantés en pépinière (INRA, Champenoux, F-54280).

Le deuxième objectif de notre projet sera d’identifier des marqueurs de mortalité en comparant arbres morts et vivants de différentes populations de hêtre, et de quantifier des niveaux seuils de ressources carbonée et/ou azotée en dessous  desquels la mort est observée.  Le corollaire de ce dernier objectif sera l’identification possible de traits morphologiques et/ou physiologiques qui confèrent une meilleure résistance aux arbres et/ou aux populations d’arbres.

Les recherches menées auront pour but de valider ou d’infirmer un certain nombre d’hypothèses et de proposer un schéma conceptuel général hiérarchisant les processus conduisant à la mort des arbres.

Hypothèses testées :

  1. 1. Effet population: Les populations lorraines de hêtre ont des saisons de végétations variables qui leur confèrent  des capacités différentes à résister à la sécheresse ou à la défoliation. Les fortes contraintes accélèrent le vieillissement des arbres (possible développement prématuré de la reproduction) chez certains arbres.
  2. 2. Mortalité et ses causes : Le hêtre peut mourir en raison d’une forte perturbation de son fonctionnement carboné ou azoté.
  • Les arbres morts sont ceux qui ont épuisé leurs réserves carbonées et/ou azotées
  • Les contraintes hydriques et carbonées ont pour conséquence une modification de l’allocation du C et de l’azote  entre les organes et leurs tissus modifiant par exemple les relations allométriques des arbres (aubier/surface foliaire) .
  • Les arbres mourants ont une stratégie de croissance qui les prédispose davantage au dépérissement que les arbres en pleine vitalité.

Enjeux scientifiques et socio-économiques — Cette étude porte sur le hêtre (Fagus sylvatica L.), une espèce forestière feuillue majeure en Europe et qui occupe une large place dans la filière-bois en France avec 23% du bois d’œuvre de feuillus et 10% du bois d’œuvre total. La Lorraine est la première région de récolte de hêtre en France. Avec une surface de 176 000 ha, représentant 20% des surfaces boisées de Lorraine, le hêtre joue un rôle socio-économique important dans la région. En outre, dans le cadre du Pacte Lorraine (2014-2016), la région soutient l’optimisation de la ressource en bois de hêtre et le développement du label « Hêtre Lorrain ». Mieux connaitre les risques de perte de productivité ou de mortalité de cette espèce sous climat futur présente donc un enjeu d’importance pour la région et plus largement pour la filière bois en France.

Approches méthodologiques et résultats attendus — Afin d’évaluer la vulnérabilité des hêtres lorrains, nous analyserons la variabilité des seuils physiologiques de survie entre 14 populations, issues de forêts distribuées le long d’un gradient latitudinal en Lorraine, dans un dispositif de plantation comparative. Le dispositif expérimental mis en place à la pépinière de l’INRA de Champenoux en 2007 comprend plus de 1000 arbres issus de semis. L’expérience proposée dans ce projet vise à induire des mortalités en manipulant les statuts carboné ou hydrique des arbres. Pour cela, ces 1000 arbres ont été mis sous exclusion de pluie au printemps 2014. Les 2/3 de ces arbres sont irrigués et la moitié de ces arbres irrigués sera soumise à de sévères défoliations en 2014 et 2015 de manière à perturber les métabolismes carboné et azoté. Il s’agira d’identifier quelles sont les propriétés qui permettent à certains arbres de survivre et si ces propriétés sont population-dépendantes.

L’hypothèse 1 sera testée par  des observations de phénologie, des mesures de croissance et des propriétés architecturales des arbres réalisées dans les différentes populations et dans les différents traitements. L’hypothèse 2 sera évaluée par l’abattage d’arbres en fin de saison de végétation afin de quantifier par des analyses élémentaires et biochimiques la distribution du carbone et de l’azote entre les différents compartiments de l’arbre. Les relations allométriques seront également quantifiées. Une comparaison de la croissance radiale des arbres morts et vivants permettra de répondre à l’hypothèse de différences de stratégie de croissance. Le candidat aura à évaluer si les différentes populations de hêtre échantillonnées en Lorraine présentent des taux de survie variables entre elles et de comparer les taux de survie inter-populations et intra-populations.